Déplafonnement et modification notable de la destination des lieux

Un bailleur a donné en location des locaux pour y exercer une activité de « commerce de vins, liqueurs, brasserie, restaurant à l’exclusion de tout autre ». Celle-ci est ensuite étendue à celle de PMU, loto, jeux.

Invoquant cette adjonction d’acticvité, le bailleur délivre ensuite un congé avec offre de renouvellement moyennant un loyer déplafonné.

En effet, selon l’article L 145-33 du Code de Commerce  » Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.

A défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après :

1 Les caractéristiques du local considéré ;

La destination des lieux ;

3 Les obligations respectives des parties ;

4 Les facteurs locaux de commercialité ;

5 Les prix couramment pratiqués dans le voisinage « .

L’article L 145-34 ajoute :

 » A moins d’une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d’effet du bail à renouveler, si sa durée n’est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l’indice national trimestriel mesurant le coût de la construction ou, s’ils sont applicables, de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l’Institut national de la statistique et des études économiques. A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l’indice national trimestriel mesurant le coût de la construction ou, s’ils sont applicables, de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.

En cas de renouvellement postérieur à la date initialement prévue d’expiration du bail, cette variation est calculée à partir du dernier indice publié, pour une période d’une durée égale à celle qui s’est écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement effectif.

Les dispositions de l’alinéa ci-dessus ne sont plus applicables lorsque, par l’effet d’une tacite prolongation, la durée du bail excède douze ans. « 

Estimant que les dispositions de l’article L 145-33 n’étaient pas applicables, le preneur s’est opposé au déplafonnement au motif que l’activité adjointe était incluse dans la destination initiale et que l’accord obtenu ne faisait que constater cette activité. Cette demande ne pouvait donc pas s’analyser comme un aveu.

La Cour d’appel fait droit à la demande du bailleur et estime que l’activité de PMU, loto, jeux, n’est pas incluse dans la destination contractuelle initiale du bail commercial et que l’autorisation de l’exercer accordée par le bailleur au cours du bail expiré caractérise une modification notable de la destination des lieux.

Pour obtenir la cassation de cette décision, le preneur fait valoir :

1°/ que l’activité de «bar-brasserie-restaurant» inclut nécessairement celle de «PMU-loto-jeux» ; que l’adjonction de cette dernière activité ne constitue donc ni une dé-spécialisation partielle ni une modification de la destination des lieux justifiant le déplafonnement ; qu’en considérant en l’espèce que la destination des lieux mentionnée au contrat de bail, le «commerce de vins, liqueurs, brasserie, restaurant», n’incluait pas l’activité de PMU, loto et jeux, et qu’en conséquence, cette dernière devait être adjointe en vertu d’une dé-spécialisation partielle et, dès lors, d’une modification de la destination des lieux, la cour d’appel a violé les articles L. 145-33 et L. 145-34 du code de commerce ;

2°/ que les qualifications d’«activité incluse» et de «dé-spécialisation partielle» sont indisponibles ; qu’en conséquence, le fait que le preneur ait sollicité l’accord du bailleur pour ajouter à la destination contractuelle une activité en réalité déjà incluse dans celle-ci ne lui interdit pas ensuite de voir constater cette inclusion initiale et évincer la qualification de dé-spécialisation partielle ; qu’en tirant argument du fait que M. Y… avait sollicité l’accord de sa bailleresse pour ajouter l’activité de PMU-loto-jeux, la cour d’appel a déduit une circonstance dépourvue de toute valeur et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-33 et L. 145-34 du code de commerce ;

3°/ que l’aveu ne peut porter que sur un point de fait ; qu’en opposant au preneur la reconnaissance de ce que l’activité de «PMU-loto-jeux» n’était pas incluse, dans celle de «bar-brasserie restaurant», la cour d’appel qui a opposé au preneur son aveu sur un point de droit, a violé l’article 1356 du code civil ;

4°/ que seul le changement de destination ayant effectivement entraîné un accroissement de l’activité commerciale au cours du bail expiré peut justifier un déplafonnement ; qu’aussi, la modification de la destination des lieux loués par adjonction d’une activité ne peut justifier le déplafonnement si, au cours du bail expiré, le preneur n’a pas effectivement exercé l’activité ajoutée et si, en conséquence, son volume d’affaires ne s’en est pas trouvé augmenté ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que, s’il avait obtenu de son bailleur l’adjonction à la destination initiale de «commerce de vins, liqueurs, brasserie, restaurant» de celle de «PMU-loto-jeux», M. Y… n’avait jamais usé de cette extension ; qu’en admettant cependant le déplafonnement par cela seul que la modification de la destination des lieux avait potentiellement un impact favorable sur la valeur du fonds de commerce, et que le preneur ne démontrait pas que le PMU et la Française des jeux s’opposeraient définitivement à ce que le preneur exerce effectivement l’activité de «PMU- loto-jeux», la cour d’appel a violé les articles L. 145-33 et L. 145-34 du code de commerce ;

La Cour de cassation rejette ces arguments et se retranche derrière l’appréciation souveraine des juges du fond selon lesquels l’activité de PMU, loto, jeux, n’était pas incluse dans la destination contractuelle initiale de « commerce de vins, liqueurs, brasserie, restaurant à l’exclusion de toute autre » et que l’autorisation de l’exercer accordée par la bailleresse au cours du bail expiré caractérisait bien une modification notable de la destination des lieux.

Le déplafonnement du loyer du bail renouvelé était donc justifié. (Cour de cassation 22 janvier 2013 N° de pourvoi: 11-25030).


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